March 29, 2005

Amerikalogy

Revêtant sa tenue de combat, déguisé en redresseur de torts, l'ORTF redéboule après une confraternelle équipée faite de plage et de trop rares rayons de soleil, pour vous parler d'un de ces albums qui, bénéficiant de louanges critiques quasi-unanimes, se vend en moyenne à 5 exemplaires.



"The Emperor & The Assassin" porte exactement le même titre qu'un film de Chen Kaige, l'auteur de "Adieu Ma Concubine" et avec le grand Mike Leigh de "Secrets et Mensonges". Il y est question d'une femme qui engage un mercenaire pour tuer l'homme de son coeur, devenu par ambition un boucher sanguinaire qui perpètre massacres sur massacres pour devenir le premier empereur de Chine.

Cette concordance des titres est tout sauf un hasard. I Self Divine et Kool Akiem, aka The Micranots, empruntent au film ses dialogues et son imagerie pour construire un album qui s'apparente à la bande-son alternative d'un film imaginaire. Celui d'une Amérique mise en parallèle avec l'empire chinois des premières heures, gouvernée par une violence sans nom, où le guerrier/musicien doit s'absorber dans son art pour survivre et s'échapper.



Au delà du concept, "The Emperor & The Assassin" est avant tout un excellent recueil de morceaux aussi bons les uns que les autres. Patients maîtres-artisans, les deux compères ont pris le temps de réunir ici plusieurs ingrédients aussi rares que nécessaires.

Commençons par cet incroyable équilibre que le groupe parvient à créer entre une urgence manifeste, celle de son MC au lourd vécu, et une lucidité jamais égarée. Autrement dit, on ne tombe jamais dans la vociférations sans queue ni tête et I Self Divine n'est pas là pour hurler sa haine et pour tout mettre sur le compte de la misère. C'est ainsi que les brûlots - dont certains sont aussi calmes qu'implacables comme l'excellent "Amerikalogy" - alternent avec des morceaux pensés différemment - "Ms Gemini" parle tout simplement de la découverte de l'amour alors que "Neutralize" emprunte aux arts martiaux l'image de l'adepte se concentrant sur son art pour maîtriser son environnement.



Nos Micranots réussissent également à nous captiver pour toute la durée de l'album. Une gageure dans un univers qui privilégie le single et qui confie parfois la production d'un album à plusieurs producteurs. Rien de tout cela ici.

Force est de constater, au fur et à mesure des interludes et des citations du film, que le concept - aussi alambiqué qu'il puisse paraître - fonctionne à merveille. Kool Akiem varie énormément tout en maintenant une unité de ton, une signature sonore, enveloppant ses productions à première vue très minimaliste d'une multitude de détails. Jouant énormément sur des techniques de production que ses contemporains semblent avoir reléguées aux oubliettes, il sertit ici ses compositions à première écoute bien bordéliques de basses sourdes et saturées, des breaks de batterie extrêmement compressés et de scratchs en cascade, parvenant ainsi à créer une ambiance pour le moins prenante.

Cerise sur le gâteau, le flow que pose son camarade sur l'ensemble a ceci de particulier qu'il est à la fois efficace et très novateur, parfois bizarre mais jamais étranger, s'éloignant des canons du genre pour mieux y revenir.

Découvrez cet album unique, et achetez le pour soutenir le duo signé sur Rhymesayers, déjà responsable des très bons "Return Of The Travellahs" et "The Obelisk Movement".

The Micranots - Glorious [offline]
The Micranots - Our Universe [offline]
[from The Emperor & The Assassin]

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