February 09, 2006

A Reasonable Man // A Quiet Town


"CHER AMI, maintenant qu'aux heures poudreuses et sans horloge de la ville les rues s'étirent sombres et fumantes dans le sillage des arroseuses, et maintenant que les ivrognes et les sans-logis ont échoué à l'abri des murs dans des ruelles ou des terrains vagues, que les chats vont étiques et les épaules saillantes dans les sinistres environs, en ces couloirs de brique pavés ou laqués de suie où les ombres des fils électriques muent en harpe gothique les portes des caves, nul être ne marchera hormis toi."

Cormac Mc Carthy, in Suttree

Je ne sais pas si Cormac McCarthy écrivait en musique, mais je l'imagine parfois, alors qu'il se lève aux aurores pour s'atteler - encore, pour la centième fois, pour la millième fois - à ce qu'il considère comme l'oeuvre de sa vie, son Ulysse. Il entre dans son bureau et s'assoit. Se laisse tomber, plus qu'il ne s'assoit. Autour de lui, des meubles vermoulus. Quelques uns, le strict minimum. Un bureau, une chaise dont les accoudoirs ont été façonnés par le poids de ses bras, une étagère sur laquelle trône des milliers de pages, pleines de ratures.

Autour de lui, tout n'est que silence. Je ne sais pas s'il a une femme, des enfants, mais s'ils sont là, ils dorment encore. Il vit près d'une rivière, ou d'un plan d'eau quel qu'il soit. On en perçoit le murmure, à la périphérie. Il a les sourcils bas, le front creusé, et la démarche d'un homme aux reins brisés. Il enfante, voyez vous. Il enfante depuis de longues heures, de longues journées, d'interminables années. Il façonne une ode au renoncement.

Et dans ce dénuement ascétique, dans ce silence écrasant, il lutte, il se bat chaque jour un peu plus. Pour transcrire la musique qu'il entend dans sa tête, transmettre les mots qui jonglent entre ses oreilles, écrire ce qui doit l'être.

Ce renoncement que je retrouve, presque par accident, lorsque les choeurs fragiles entrent dans "A Reasonable Man" et accompagnent le spectre de la voix de Matt Berninger, lui conférant à la fois plus de légèreté et une pesanteur nouvelle.

Cette volonté absolue d'abandon que je cherche dans la nouvelle fugue, arpèges fuyants surmontés d'un chant lunaire, de Josh Rouse.

The National - A Reasonable Man (I Don't Mind)
[from Cherry Tree EP]

Josh Rouse - Quiet Town
[from Subtitulo]

"Subtitulo", le nouvel album de Josh Rouse, est annoncé pour avril.
Edit : la vidéo de "Quiet Town" est ici. [via Chryde]

3 comments:

Garrincha said...

Devinette : où a été prise cette photo ?

Thanu said...

sur la lune?

Garrincha said...

Sur la lune. Par l'astronaute Eugene Cernan en décembre 1972.

L'ombre, comme beaucoup d'images prises su la lune, est enveloppée d'une sorte de halo brillant. C'est ce que l'on appelle "l'effet d'opposition."

Lorsque l'on regarde dans une direction directement à l'opposé du soleil, les ombres sont cachées par les objets qui les projettent. C'est ce qui explique la brillance de Mars et de la lune lorsqu'ils sont proche du point antisolaire de notre ciel.

On en apprend des choses en cherchant des images ...