Pour Caossar et Christian, mais pas seulement
Trois gouttes de pluie se détachent de la gouttière. Vont se détacher. Hésitent un temps infini. Attendent peut-être que je détourne le regard. Le soleil couchant y dessine des mondes entiers en réfraction. Sous mes pieds, un parquet qui porte des traces trop nombreuses pour être expliquées, qui grince doucement dès que je bouge un peu, dès que je fais passer mon poids de la jambe gauche à la jambe droite et vice versa. Aussi discret et aussi imposant que la respiration de quelqu’un qu’on entendrait dormir de l’autre côté du mur.
En tendant les bras de chaque côté, je peux presque toucher les deux murs qui m’entourent en même temps. J’essaie. Cela fait jouer des choses au fond de mon dos, des choses planquées, des nœuds enfouis. Il n’y a rien d’autre dans la petite pièce. Juste l’orange de fin du jour qui vient par dessus les toits et qui s’engouffre par la fenêtre comme un skieur en fin de course. Et du blanc, partout. Ces murs sont immaculés, on pourrait les croire neufs, sortis du sol en une nuit, si on n’avait pas l’œil exercé. Ou obstiné. A bien y regarder, là aussi quelque chose ondule sous la surface. Une pulsation, un flux, quelque chose qui tremble.
DM Stith :: Spirit Parade
[from Heavy Ghost]
Il y a des esprits qui s’agitent ici. Certains qui viennent pour leur rendez-vous annuel, d’autres qui ne font que passer prendre des nouvelles et ceux qui sont tout le temps dans le coin, qui ne partent jamais bien loin. Ils se frottent au mur, ils viennent tout contre moi, s’enroulent autour de mes poignets, respirent au creux de mon cou et m’attirent vers l’intérieur. J’attends qu’ils soient tous entrés, puis je ferme la fenêtre. Je leur donne la main, je me retourne et je regarde autour de moi.
Here We Go Magic :: Fangela
[from Here We Go Magic]
Petit à petit, ils se calment un peu. La vibration diminue et bientôt les murs ne se renvoient plus que de la lumière. Ils reniflent autour d’eux, ils jettent un coup d’œil dans les placards et dans la salle de bains puis ils s’assoient par terre, chacun à sa place. Il n’y a aucun meuble, pas de canapé et pas de coussins, mais ils s’en foutent comme de l’an 40. Ils se lovent là, puisque c’est là que la route nous a menés. Ils me regardent, puis les uns après les autres ils se rendorment.
Ludwig Van :: Symphonie N°9 Opus 125 : Allegro Ma Non Troppo
[dirigé par Nikolaus Harnoncourt]
Voilà. Nous sommes chez nous. Quelque chose commence ici.
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