November 30, 2004

Avant toute chose …

Oum Kalsoum

Avant de se précipiter sur les nouveautés nouvelles (sic), les obscurs inconnus, les inédits oubliés et toutes les pépites (en or ou en toc) que notre prose pouvait vous laisser deviner, je me suis dit que, pour un premier post, il me fallait trouver un morceau qui soit réellement emblématique.

Quelque chose qui résume ou au moins suggère la fenêtre musicale d’un scorpion né en écoutant le requiem de Verdi, élevé à grands coups de Bob Marley / Rossini / Neil Diamond / Aretha Franklin (cherchez l’intrus) et qui depuis ne grandit qu’à contrecœur, en prenant bien soin de ne rien brusquer, d’explorer toutes les pistes qui s’offrent à lui.

Quelque chose qui donne une idée de l’ouverture d’esprit et de l’éclectisme que j’aimerais voir se développer ici, quelque chose qui soit à mi-chemin entre les B-Boys de Brooklyn et les détraqués de Brighton, entre les guitares abrasives des uns et les glitches des autres, entre les psaumes incantatoires de certains et le silence de leurs voisins …

Au terme d’un soigneux processus de triangulation géographico-musicale, j’ai fini par trouver. Cela nous mène en Egypte et vers l’histoire d’une voix.

C’est une époque encore jeune, vers le début des années 50. Les immeubles du Caire sont immaculés, la poussière et la pollution n’ont pas étendus leur chape de plomb sur la ville. Chaque fin d’après-midi, le soleil déclenche des incendies dans le Nil et le pays entier prend une grande inspiration, se rassemble autour de vieux postes radios et s’arrête de bouger pendant une bonne heure.
Une voix monte qui incarne … TOUT. La voix d’une fille de ferme au don presque inacceptable, qui dit peines de cœur mais raconte bien plus, qui parle de tout un peuple, de ses espoirs aux lendemains d’une révolution toute fraîche, de sa farouche volonté d’éloigner les anciens colons, et, malgré tout, de sa formidable capacité au rire, à l’entrain, à la malice …

Bien plus tard, une fois les espoirs envolés, la misère et la dictature (ré)installées, la voix d’Oum Khalsoum chantant El Atlal, «les ruines» de son amour, demeure.

Le Destin

Aujourd’hui, c’est dans l’œuvre de Youssef Chahine, qui brode dans Le Destin une fabuleuse fresque – presque une farce – contre l’obscurantisme, que l’on peut redécouvrir ce souffle qui traverse Aalli Soatak («Chante plus fort»), de Kawssar Mostafa et Kamal El Tawill (déjà auteur de chansons pour Oum Kalsoum), comme il traverse toute la culture égyptienne.

Un souffle fait d’une intarissable joie, comme s’il était naturel de chanter sa mélancolie les deux pieds fermement plantés dans un monticule de merde, en réaffirmant mieux que de n’importe quelle autre manière sa dignité et sa capacité à transformer le monde en trois notes.

C’est de ce pays que je viens. C’est de là que nous venons tous, non ?


Oum Kalsoum - El Atlal [Offline]

En fonction des versions, El Atlal dure parfois plus d’une heure. Il ne s’agit ici que du premier mouvement, qui dure toutefois 19 minutes. Cette version provient d’un enregistrement live acheté sur place et dont je serais bien en peine de vous donner les références, puisque c’est écrit dans un alphabet que je ne maîtrise plus. Il est revanche possible de vous procurer d’autres versions de cette chanson ici et .

Une courte mais bonne biographie d’Oum Kalsoum a été récemment publiée dans
Le Monde.

Kamal El Tawill & Kawssar Mostafa - Aalli Soatak [Offline]

Acheter la bande-son du film Le Destin ici et lire une biographie de Kamal El Tawill, décédé en 2003, ici.

Ces mp3 ne resteront en ligne que 10 jours. Nous vous encourageons à soutenir les artistes dont vous appréciez les œuvres.

3 comments:

Anonymous said...

Je sais que la musique n' a rien à voir avec la politique et qu'il est idiot de détester Karajan ou Heidegger pour leurs relations troubles avec le nazisme même si le sujet revient souvent lorsqu'on parle de ces deux derniers . Il y a pourtant quelque chose qu'on nous cache bizaremment : certains morceaux d'une soi disant " grande chanteuse " arabe , Oum Kalsoum ( qu'il est sans doute de bon ton d'apprécier de nos jours ... ) qui s'est honteusement engagée au côté des dictateurs arabes en chantant , en 1967 , son morceau "Etbah el sahyouni" (massacre le sioniste) dont voici le refrain :

"Egorge, égorge, égorge et sois sans pitié,
Egorge, égorge, égorge, et lance leur tête
Dans le désert,
Egorge, égorge, égorge
Tout ce que tu voudras,
Egorge tous les sionistes et tu vaincras"

On peut sans doute préférer la jeune fille qui chantait l'amour ...

Garrincha said...

Il n'est pas idiot de détester Karajan pour ses rapports avec le nazisme.
Il n'est pas idiot de détester Pelé pour ses rapports avec les généraux brésiliens ou pour son implication dans un système de corruption à grande échelle.
Il n'est pas idiot de détester Céline pour les idées que véhiculent ses écrits.

Il est en revanche peu clairvoyant de nier ou de refuser de reconnaitre leurs génies, surtout s'il s'agit de le faire en disant qu'on ne le fait pas, le tout sous couvert d'anonymat et sans citer de sources.

Reste que c'est un fait, qui s'il s'avère vérifié (ce que je suis en train de faire), m'était inconnu et que je suis heureux d'apprendre. J'avais cependant connaissance des prises de position très nassériennes et très nationalistes de la chanteuse. Qui ne sont justement que ce qu'elles sont : des prises de position politiques d'une chanteuse.

Il est d'ailleurs plus que probable que nous soyions amenés à reparler ici d'artistes ayant, à un moment ou un autre de leurs existences, proférer des insanités ou pris des positions tout à fait contestables.

Anonymous said...

Bonjour, il n'existe aucune chanson de Oum Kalthoum intitulée "Etbah el sahyouni".

C'est juste un vulgaire Hoax, qu'on retrouve toujours écrit dans les mêmes termes, qui circule sur internet.

Pathétique d'en arriver à un tel niveau de bêtise.

Frederique