April 08, 2005

Rodolphe et les priapiques

Par pratique quotidienne je m’acoquine à jouer du jazz manouche. Rien n’est pourtant plus irritant que mes corréligionnaires talibanisés autour d’une tradition qui aurait sans doute interloqué Django (dit le Maître, ne riez pas).

Parmi toute cette descendance souvent consanguine des guitaristes déboulant sempiternellement d’interminables arpèges, collés note à note au chorus du Maître, il arrive qu’un miracle advienne. Il est rare que cela vienne d'un jeune premier à gueule d’ange que les marketeurs nous imposent. C’est arrivé une fois avec Chet Baker, qui eût tôt fait de se baconiser la tronche en se défonçant consciencieusement.

Non. Il s’agit plutôt d’un homme à la quarantaine débonnaire, avare de paroles, au charisme minéral, capable pourtant de quelques saillies humoristiques à l’ironie décalée et déconcertante. Autoditacte, il a longtemps roulé sa bosse, fût concertiste classique, a pratiqué de près les musiques Sud Américaines, sans méconnaître la tradition jazzistique au Nord.



Quelle géographie ! Et pourtant ce n’est pas là l’essentiel. Nombre de musiciens acquièrent un savoir gigantesque, une absolue maîtrise sans que la Musique leur montre la petite culotte, cette garce ! Qu’on songe seulement à Al Di Meola par exemple, dont la virtuosité n'est que du Viagra sans orgasme (cela n’engage que moi, je suis sûr qu’il existe des gens assez pervers pour aimer le priapisme.)

Rodolphe Raffalli improvise de cette façon rare qui fait oublier jusqu’à la trame harmonique du morceau. Mais c’est à un concert qu’il aurait fallu vous emmener, c’est là avec ou sans spectateurs, au fond d’un rade ou sur la scène du Duc des Lombards que Rodolphe invente sans cesse. Cette façon de se placer sur le temps, ce flottement précis, fait chanter les mélodies. Ayant un goût prononcé pour la sophistication comme pour la clarté, cette dialectique ardue le mène dans des développements où l’harmonie est caressée, contournée ou transgressée, tout en gardant une cohérence et une rare unité de discours.

Rodolphe Raffalli - Je me voyais déjà [offline]
Rodolphe Raffalli - Twelth year [offline]
[from Gypsy Swing Guitar]

[Buy]
[Read]

No comments: