January 26, 2009

closer than light years ago

Pour les besoins d'une playlist en construction, je suis allé rechercher mon Automatic For The People et je l'ai numérisé. Je ne sais pas trop pourquoi on arrête d'écouter certains disques avec le temps. Sans doute qu'on les écoute trop. Sans doute.

C'était en 1992. Je n'avais pas encore 16 ans. Je me souviens du rapport aux disques que j'avais alors. Rien à voir celui que j'ai aujourd'hui. J'étais sans doute déjà passionné, exigeant et je pense, avec le recul, que j'avais déjà la conviction que la musique peut guérir de tout. Mais à l'époque, je lisais sans doute des revues auxquelles je faisais confiance (je ne sais plus du tout lesquelles), j'écoutais la radio - probablement Oui FM et je regardais des clips sur MTV parce que mes parents avaient pris les 14 chaînes que proposait le câble. Je crois bien d'ailleurs que c'est le clip de "Drive" qui m'avait accroché. Pour Welcome To The Cruel World de Ben Harper, je crois bien que c'est une borne d'écoute à la Fnac qui m'avait convaincu. Je me souviens que je traînais souvent au Virgin du Louvre le samedi après-midi. Je choisissais les disques à la pochette ou quand j'avais le temps je les écoutais les uns après les autres. Je me souviens aussi avoir découvert Jude et Sergent Garcia comme ça. Qui découvre encore de la musique comme ça aujourd'hui ? Les quelques albums qui m'ont marqué en ce début d'année (The Crying Light, ce Noble Beast dont je ne sais pas quoi penser, la compilation Dark Was The Night, March of the Zapotec) ont quasiment tous été apportés par le même dealer : rapidshare. J'en ai acheté certains, depuis, ceux que j'écoute vraiment et que je voudrais passer sur la chaîne de mon futur salon.

A l'époque, je ne pouvais me payer qu'un disque à la fois, et je le faisais sur la foi de ces informations parcellaires : une critique, une chanson entendue à la radio ou sur une borne d'écoute, un clip. J'avais intérêt à ne pas me planter. Ca arrivait, pourtant, ce qui me remplissait d'une amertume folle, lorsque les disquaires d'occasion ne m'offraient que le quart ou le tiers de la valeur du disque. Par contre, quand je réussissais mon coup, je passais des semaines, des mois en tête-à-tête avec un seul et même disque. J'en apprenais chaque respiration, j'en retenais toutes les inflexions. Aujourd'hui, entre Deezer, Rapidshare et le lien transparent et clair qui me relie aux quelques blogueurs que je lis régulièrement, je peux à loisir écouter des dizaines et des centaines de fois chaque disque qui éveille mon intérêt, avant de décider si vraiment il va me suivre et si je me l'achète. D'ailleurs, demain, je m'achète un Mountain Goats. Mais je ne passe plus autant de temps avec eux. Pour que l'un d'entre eux m'accroche, il faut qu'il en fasse 100 fois plus qu'à l'époque. Il ne suffit pas qu'il plaise. Il faut qu'il renverse, qu'il entre en résonnance avec des choses qui le dépassent. Il faut qu'il soit de la trempe des Boxer, The Crying Light, The Flying Club Cup.

Mais je m'éloigne. J'ai réécouté Automatic For The People. En entier. Deux fois. Je me souvenais encore de chaque chanson, tellement j'ai du l'user, en 1992. La production a un peu vieilli. La voix de Michael Stipe a tellement enflé et occupé l'espace depuis qu'elle en a perdu de son charme et de sa singularité. Et pourtant. Quel disque. Je me souviens bien que mes copains adoraient "Everybody Hurts" et que je préférais "Find The River". Je n'ai pas changé d'avis. Et le rapport intime que je pouvais avoir avec ce disque me manque, au moins un peu.

8 comments:

sadoldpunk said...

Belle note. Je comprends ce rapport différent aux disques, de l'adolescence forcément sélective à l'offre pléthorique d'aujourd'hui...

Unknown said...

Le clip de Drive !!!! bien meilleure chanson que Everybody hurts d ailleurs...

Moi ce disque, je l'ai decouvert (Je connaissais Everydoby hurts, qui passait en boucle sur MTV) chez des amis a mes parents chez qui je faisais du babby sit. En rentrant, ils se rendent compte que je l ai ecoute et me propose de repartir avec. Ho, pas par desir de transmission intergenerationnelle d'une quelconque passion musicale. Juste parce que eux-meme l'avait recu mais qu'ils n'en avaient rien a foutre de ce disque.

Rentre chez moi, j etais assez perplexe. Je ne supportais que difficilement Everybody Hurts, mais Drive me fascinait et puis il y avait ce "Find The River", effectivement.

Malgre que l'epoque et l'age (et puis le portefeuille, car a parler de changement de comportements de consommation musicale, il faut je crois prendre en consideration ces trois variables : l'evolution des technologies, l'evolution personnelle - ou age - et l'evolution du pouvoir d'achat ; bien malin celui qui parviendra a determiner l'influence respective de chacune de ces 3 variables) m'incitaient a user chacun de mes disques jusqu'a la corde, celui ne s'usa que plus lentement, sans exces ni passion demesuree.

Encore aujourd'hui, c'est devenu un des disque que je depoussiere le plus regulierement. Non pas que j'en sois un fan inconditionnel, mais tout simplement car il porte en lui un mystere que je m'epuise a percer. Comme si je n'arrivais pas a en saisir le fil ou a en determiner la trame. Comme si je ne parvenais pas a decider si ses qualites impressionnantes suffisent a en faire un des meilleures disques de tous les temps. Ou pas. Bref, une bien belle enigme comme il en sort que bien trop peu.

Chouette papier en tout cas. Du genre qu l'on aimerait lire sur la blogo :-)

Garrincha said...

>> Sadoldpunk : Parfois, souvent même, je parle à des gens qui ont quelques années de moins que moi, et qui n'ont jamais connu ce rapport plus sélectif aux disques. Et pourtant, certains ont un rapport à certains disques au moins aussi intenses et exclusifs que celui que je décris. Donc, nostalgie sans doute mais pas que.

>> Yannig : je comprends ce que tu veux dire sur les facteurs "technologie" et "pouvoir d'achat". En revanche sur l'âge, je suis plus sceptique. A 16 ans, est-ce que j'étais plus exclusif et plus absolu dans mon écoute qu'à 32 ? Ou bien est-ce que j'étais plus versatile, moins patient, sachant moins bien ce que je cherchais exactement ? Les deux, mon général.

Garrincha said...

Et je suis entièrement d'accord sur le mystère final qui entoure Automatic for the People. Ils ne sont pas nombreux, ces disques dont on ne sait toujours pas exactement, même 16 ans plus tard, ce qu'ils veulent vraiment dire, quel était leur propos.

Pas forcément dans la tête de leurs concepteurs, mais de mon point de vue. Je ne saurais pas dire ce que ce disque a représenté pour moi. Pas avec certitude. Et certainement pas de manière très claire.

Et ça, c'est fort.

Unknown said...

comme souvent, les variables sont surtout interessantes (et difficile a saisir) a cause de leur action conjointe, leurs interactions. Il ne s'agit pas davoir 16 ou 32 ans, d'avoir Internet ou pas, d'avoir un portefeuille rempli ou pas. Mais bien d'avoir 16 ans, sans Internet et sans le sous (ou d'avoir 32 ans, disposer d'Internet et de moyens financiers plus significatifs). J'ai la conviction de mon rapport a la musique (assez similaire a celui que tu decris) est le fruit de l'evolution conjointe de ces principales trois variables, entre autres (ma personnalite, mes besoins psychologiques, mon histoire, mes evenemts de vie, mes rencontres etc etc n'y sont surement pas etrangers non plus).

Si aujourd'hui j'etais au chomage avec la ceinture serree, je n'acheterais pas autant de disque. et si l'on me privait d'Internet, je retournerais surement a la mediatheque, commencerais a copier des disques empruntes chez des amis etc. Mais je pense aussi que je m'attarderais aussi plus longtemps sur ces disques, je les userais sans doute jusqu'q lq corde, comme c'etait le cas quand j'avais 16 ans.
Dqns le meme temps, le fait d'avoir eu internet et d'avoir pu m'acheter autant de disque au gres de mes envies et decouvertes a certainement durablement modifier mes gouts et mon rapports a la musique aussi, me rendant peut-etre plus "difficile"...

Alros que je dois beaucoup de ce que je connais et aprecia aujourd'hui a Internet et a l'evolution de mon portefeuille, il m'arrive de regretter mes 16 ans, pas seulement pour ma capacite d'alors d'etre a ce point passionne et exclusif vis a vis de certains disques, mais aussi pour etre a nouveau preserve de ce tourbillon de disques disponible que rend possible Internet et mon portefeuille.

Mais je n'ai pratiquement pas dormi de la nuit, ceci expliquant peut-etre les incoherences de mon propos :-)

Garrincha said...

C'est sans doute une autre variable à prendre en compte sur la qualité de l'écoute musicale : la naissance du premier enfant, et son impact sur le temps de sommeil effectif...

Anonymous said...

il y a cette phrase étrange sur "Monty got a raw deal"

"I saw you buried in the sand"

c'est ce qui m'a marqué depuis lors dans cet album mon préféré de REM

grande question effectivement écoute t on de la meme manière la musique maintenant et en 1992 ?
je n'en suis effectivement pas sur du tout .....

Garrincha said...

C'est encore une autre question : pourquoi on retient certaines paroles plutôt que d'autres ? à cause du phrasé ? de l'intonation ? (et là un Michael Stipe ou dans un autre registre un Andrew Bird sont de sacrés clients). De nos connaissances plus ou moins limitées en anglais ?