February 24, 2005

the goddam truth



L'artiste dont il est question ce jour cumule une quantité de défauts loin d'être marginale. Entre nom de groupe ronflant, imagerie souvent médiocre, choix de production atterrants quand ils ne sont pas carrément contre-productifs, textes oscillant entre le plutôt attendrissant et le très rébarbatif, et voix - au moins à ses débuts - sans grand relief, Kevin Tihista livre depuis maintenant environ 8 ans une pop indé qu'il semble difficile d'apprécier.

Difficile mais pas rigoureusement impossible. Loin de là. Entre guitares lourdingues mal dosées et égarements lyriques surnage par moments - trop souvent pour que ce ne soit qu'une série d'accidents - une véritable émotion. Le désespoir un poil chiant du jeune homme se mue alors en quelques instants, par la grâce d'un humour un brin cynique ("the greatest impression I ever made was on my pillow") ou d'une maladresse touchante, en un peu plus que le simple spleen d'un garçon à lunettes qui aime bien les chevaux ... En un mini-mélodrame aux proportions humaines, étonnamment proche et familier.

Trois illustrations de ce paradoxe musical en autant d'albums :

Dans "Stoopid Boy", Kevin Tihista parvient à admettre sa propre inconsistance. Un tour de force, si l'on se réfère au cadre de cette pop indé qui consiste, la majeure partie du temps, à chanter ses propres malheurs en leur conférant une grandeur et une aura les plus spectaculaires possibles. Prenant (délibérément ?) le rebours de cette tendance, notre ami Kevin confesse tout simplement qu'il ne sait absolument pas ce qu'il est en train de faire. Sentiment familier s'il en est. Isn't it ?

"Hymn" est extrait de Judo, probablement l'essai le plus faiblard de l'ensemble, desservi par des balades sirupeuses comme "One More Day" et une floppée de titres insipides noyées sous des torrents de synthétiseurs. On en ressort quand même avec deux petites bombinettes sous les bras : le très beatlesien "You're Making Other Plans", qui gagnerait à être un peu plus direct, et ce parfait petit hymne, qui ne repose que sur un simple arpège de guitare, une idée simple et des choeurs qui s'envolent vers la fin (un peu à la manière, toute proportion gardée, du "I Didn't Understand" d'Elliott Smith).

Enfin, l'introduction du dernier album, paru en ce début d'année chez Parasol Records, devrait a priori mettre tout le monde d'accord : une des plus immondes tentatives de reproduction midi d'un ensemble de cordes. Emerge pourtant de cette énième tentative de production se voulant ingénieuse (ou comique) une chanson comme il devrait en écrire plus souvent : "Real Life", soit une guitare acoustique seule, un chant plus mâture et enfin plus riche dans ses inflexions, avec une montée dans l'orchestration qui - sans prétendre au génie - remplit parfaitement son office. Le reste de l'album est, dans l'ensemble (on évitera l'horrible "Yummy"), à l'avenant : Kevin Tihista a grandi et s'est débarrassé de ses oripeaux. Peut-être l'album de la maturité, en tout cas une oeuvre riche, un sentiment d'urgence, une fièvre indéniable, and that's the goddam truth ...

Kevin Tihista's Red Terror
- Stoopid Boy [offline]
[from Don't Breathe A Word]

Kevin Tihista's Red Terror - Hymn [offline]
[from Judo]

Kevin Tihista's Red Terror
- Real Life [offline]
[from Wake Up Captain]

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