Debout, à l'avant de la scène, devant un public qui s'est unanimement levé, elle raconte l'histoire du baby-sitter de son enfance qu'elle redécouvre, à l'âge de 12 ans, pris en photographie dans Vogue, tenant la main de Grace Jones, la légende disant "In Paris". Comment elle utilisa ensuite l'argent de poche que lui donnait sa grand-mère pour acheter une broche "Paris" en toc avec de fausses perles en plastique.
20 ans plus tard, Chan Marshall vient de triompher sur la scène du Grand Rex. Triomphé des distances, triomphé de la ville lumière, à genoux devant elle. Triomphé d'elle même, qui fut longtemps - physiquement comme mentalement - incapable d'incarner sur scène les multiples promesses que l'on devinait sur ses albums successifs. La faute à une dépression chronique, à une peur viscérale de la scène et aux seuls remèdes qu'elle avait pu trouver pour y faire face.
Une question de distance, sans doute. Pour la première fois, Cat Power apparait entouré d'un large groupe, et non plus seule - ou quasiment - devant un public scrutateur. Les 11 musiciens qui l'accompagnent sont tout autant là pour donner une ampleur nouvelle à ses chansons que pour lui fournir un cocon protecteur. On y reconnait d'ailleurs vite une figure maternelle, une choriste noire aux formes plus que généreuses et à l'organe puissant, et son alter ego paternel, un guitariste grisonnant aux larges épaules et au sourire rassurant.
Mais alors, Cat Power, noyée dans tout ça ? Moins immédiate ? Moins touchante ? On pourrait presque craindre l'artifice américain dans toute sa splendeur, la machinerie parfaitement efficace qui gomme les altérités et offre un vissage professionnel mais lisse. Il apparait bien vite que ce n'est pas le cas. D'abord parce qu'elle s'abandonne totalement et virevolte avec une grâce toute particulière au milieu de ce Memphis Rythm Band. Avec humour, avec un jeu de scène aussi étrange que touchant, presque schizophrène. Empruntant tour à tour à la petite fille, à la femme voluptueuse, aux déhanchés des clips de r&b, aux pas de danse des cheerleaders et même aux danses de saloon. Ensuite parce qu'elle fait le choix de chanter seule sur scène et de se confronter une fois de plus au regard des autres, à son angoisse fondamentale. Avec courage, avec une dose de dérision, avec de plus en plus de nervosité. Les démons ne partent jamais bien loin, et au bout de quelques chansons Ms. Chan n'est sauvée d'elle-même que par le retour opportun de ses musiciens.
Reste qu'entre temps, la jeune femme un peu étrange qui tournoyait au milieu des cuivres et des violons s'est assise pour nous montrer son âme. En nous livrant son renversant "I Don't Blame You" et en nous réinterprétant au passage le "Remember Me" du grand Otis Redding. Si dans le premier registre, sa voix unique fait déjà des merveilles. Dans le second, ce mélange d'éraflures et de soleil, cette rauque chaleur recouverte d'un voile, nous emmène directement vers l'extase.
Elle finira en distribuant des fleurs au public, chantant à tue-tête des gospels a capella pendant que ses musiciens harmonisent et que le public bat la mesure. Saluant l'artiste, applaudissant sa liberté nouvelle. You are free, and we'll remember you.
Cat Power :: Remember Me
[from eMusic EP]
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5 comments:
Tu m'étonnes qu'on va remember her.
Je la vois bientôt aux Trans,espérons que ce soit aussi génial que ce que tu nous décris!!!!
texte flamboyant
je l'ai raté lors de son passage à Bruxelles, complet...
aux Trans elle avec une autre formation, en trio, probablement plus électrique comme sur ses disques précédents.
Malheureusement je ne la verrai pas à Rennes.
mais comme le sergent, j'ai été puissamment touché par son concert au Grand Rex,
au point de faire non pas 1 mais 2 articles sur ce concert ;-)
http://arbobo.over-blog.com/article-4443441.html
http://arbobo.over-blog.com/categorie-925975.html
à +
arbobo
Des post de plus en plus rares mais de plus en plus vibrants ! Cette chanteuse est extraordinaire. Le concert de la Route du Rock était génial aussi... Un démarrage calme puis une série de chansons plus enlevées les unes que les autres avant d'entamer une série de reprises très personnelles dont elle seule a le secret !
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