April 25, 2005

En route pour la joie ...

En route pour Lisbonne, parti chercher du fado. A très bientôt.

"Lisbonne est une ville submergée, monsieur, l'eau se referme au-dessus de nos têtes, les nuages sont des bancs d'algues qui flottent, les mannequins des tailleurs sont des sirènes décapitées, affublées de térylène ou de cheviotte et soulignées à la craie à l'endroit où le bougran est cousu.
Et au-dessus de tout cela, mon cher, intacte, limpide, pure, à une distance difficle à concevoir et à mesurer, au-dessus du corail des toitures, des grottes à crabes des rues et des paquebots que sont les monastères, au-dessus du mystère d'algues des arbres et de la profondeur de congres des sous-sols des veuves où la tristesse s'enveloppe du linceul des fleurs de cire des fiançailles défuntes, au-dessus de tout cela, ami écrivain, je vous signale que j'ai un besoin d'un plat d'amandes pour rafraichir ma glotte que le café a ébouillantée, au-dessus de cela, serpentant, sans les toucher, autour des antennes de télévision et des cheminées d'usine, des ruines du château et des quartiers habités par des canaris, des huissiers et des majors, la Voie Lactée qui s'enfuit pour se fondre avec la terre du côté d'Alverca où le fleuve se mue en flammes sidérurgiques et en usines de ciment."


(L'ordre naturel des choses, Antonio Lobo Antunes)



Ana Da Silva -
Friend
[from The Lighthouse]

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Six Organs Of Admittance - Lisbon
[from School Of The Flower]

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April 21, 2005

Pour un garçon ...



Tenir un audioblog, c'est un peu comme s'adresser à un vieux pote qui, vautré dans le canapé, écoute religieusement vos élucubrations sur le dernier groupe de post-after-trip-rap que vous avez découvert, en s'attachant à décoller proprement l'étiquette de la bouteille de bière qu'il a fini il y a déjà deux bonnes heures. En bon pote, il essaie de ne surtout ne pas trop lever les yeux au ciel quand vous ne laissez un morceau que 12 secondes avant d'en changer, il vous laisse sautiller sur place en marmonnant des "je sais ce qui va te plaire " et des "attends que je retrouve ce truc" sans même vous en coller une.

La différence, c'est que vos nouveaux potes sont plusieurs centaines chaque jour, qu'ils ont en fait décidé de leur plein gré de vous écouter, et qu'ils sont parfois - comme m'en informe Monsieur Xiti - japonais, péruvien ou sud-africain.

Alors, chers nouveaux potes qui avez patiemment attendu que je reprenne la parole, permettez que je m'adresse aujourd'hui à l'un de ces vieux potes. Un de ceux qui haussent les épaules, qui revendiquent une musique "plus mainstream" que la mienne, un de ceux qui sont encore plus chauves que moi, un de ceux qui chantent le blues à leurs heures perdues et qui ont le voodoo dans les doigts. Un de ceux à qui je dois un paquet de thunes.

Je deviens trop spécifique. J'arrête, mais j'espère que ces cinq chansons, venues de l'ouest évidemment mais un peu du grand nord et du chaleureux sud aussi, te/vous plairont.

Archer Prewitt - Go Away
[from Wilderness]

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Josh Rouse - Streetlights
[from Nashville]

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Ben Lee - Cacth My Disease
[from Awake Is The New Sleep]

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Christian Kjellvander - Words In The Wire
[from Songs From A Two-Room Chapel]

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Juana Molina - No Es Ten Cierto
[From Tres Cosas]

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April 18, 2005

Turbulences

Entre une nécessaire adaptation à mon nouvel emploi du temps, la préparation d'imminentes vacances et la persistante tendance de mon organisme à complètement déconner, l'ORTF traverse actuellement une zone de turbulences.

Pardonnez, donc, l'actuelle raréfaction de mes productions.

Je vous laisse avec, quand même, un peu de lecture (un très bon point de vue du rédacteur en chef de Wired) :


Promis, la musique, oui la musique, revient bientôt.

April 12, 2005

La naissance des mots

Dans la famille Quannum, après le surdoué Gift Of Gab, le patriarche Chief Xcel et le shaman DJ Shadow, je voudrais le fils prodigue. Celui qui était sans aucun doute le plus talentueux, mais aussi celui qui s'est le plus perdu en route.



En 1993, Lyrics Born, puisque c'est de lui dont il s'agit, sera le premier de la clique Soleside à enregistrer. Il forme ensuite avec Lateef The Truth Speaker, sous la direction de Shadow, le groupe Latyrx, qui publie en 1997 "Latyrx : The Album". Un LP toujours aussi difficile à trouver malgré une réédition. Posant ensuite pour les albums de tous les compères de la bande et pour les compilations éditées par le label (les excellents "Solesides Greatest Bumps" et "Quannum MCs"), LB ne cesse au fil des années d'enregistrer dans son coin ce qui lui reste sur le coeur et qu'il ne peut pas faire passer dans les joyeuses performances du collectif : un blues sombre, une amertume difficile à avaler.

C'est donc en 2003 que ces enregistrements épars donnent naissance à un album "Later That Day". En France, Radio Nova s'empare immédiatement du titre le plus immédiat, "Bad Dreams", porté par une basse surpuissante. Le titre porte bien son nom et ressemble au reste de l'album : un funk certes entraînant mais incroyablement lourd et froid, surmonté de cette voix rocailleuse, au flot inventif et décalé mais aux intonations réellement douloureuses.

La quasi-totalité du Soleside Crew participe à l'album. On note aussi la participation de Cut Chemist sur "Do That There", une des rares incursions de l'album vers un funk débarrassé d'arrière-pensées maussades. Dans l'ensemble, c'est bel et bien Lyrics Born et son spleen qui domine. Lorsqu'il se fend d'un interlude hilarant sur un serveur automatisé lui annonçant qu'il est totalement à sec, il ne parle pas que d'argent.

On le trouve révolté et désabusé sur "The Last Trumpet", en compagnie de son camarade de Latyrx, pour un morceau qui sonne étonnamment comme le "Storm Warning" que l'on trouve sur "Quannum MCs" et qui porte sensiblement le même message et le même sentiment d'urgence.

On le retrouve plus intime ainsi sur le poignant "Love Me So Bad", chanté avec sa compagne Joyo Velarde et disant très distinctement les errances du MC au bagage trop chargé. Un océan de douceur et de douleur...

Lyrics Born devrait réapparaître sous peu sur les radars avertis. Son second album, intitulé "Same !@#$ Different Day", sort fin avril.

Lyrics Born - The Last Trumpet (feat. Lateef The Truth Speaker) [offline]
Lyrics Born - Love Me So Bad (feat. Joyo Velarde) [offline]
[from Later That Day]

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[Listen] Un remix de Pack Up, avec notamment KRS-One

April 08, 2005

Rodolphe et les priapiques

Par pratique quotidienne je m’acoquine à jouer du jazz manouche. Rien n’est pourtant plus irritant que mes corréligionnaires talibanisés autour d’une tradition qui aurait sans doute interloqué Django (dit le Maître, ne riez pas).

Parmi toute cette descendance souvent consanguine des guitaristes déboulant sempiternellement d’interminables arpèges, collés note à note au chorus du Maître, il arrive qu’un miracle advienne. Il est rare que cela vienne d'un jeune premier à gueule d’ange que les marketeurs nous imposent. C’est arrivé une fois avec Chet Baker, qui eût tôt fait de se baconiser la tronche en se défonçant consciencieusement.

Non. Il s’agit plutôt d’un homme à la quarantaine débonnaire, avare de paroles, au charisme minéral, capable pourtant de quelques saillies humoristiques à l’ironie décalée et déconcertante. Autoditacte, il a longtemps roulé sa bosse, fût concertiste classique, a pratiqué de près les musiques Sud Américaines, sans méconnaître la tradition jazzistique au Nord.



Quelle géographie ! Et pourtant ce n’est pas là l’essentiel. Nombre de musiciens acquièrent un savoir gigantesque, une absolue maîtrise sans que la Musique leur montre la petite culotte, cette garce ! Qu’on songe seulement à Al Di Meola par exemple, dont la virtuosité n'est que du Viagra sans orgasme (cela n’engage que moi, je suis sûr qu’il existe des gens assez pervers pour aimer le priapisme.)

Rodolphe Raffalli improvise de cette façon rare qui fait oublier jusqu’à la trame harmonique du morceau. Mais c’est à un concert qu’il aurait fallu vous emmener, c’est là avec ou sans spectateurs, au fond d’un rade ou sur la scène du Duc des Lombards que Rodolphe invente sans cesse. Cette façon de se placer sur le temps, ce flottement précis, fait chanter les mélodies. Ayant un goût prononcé pour la sophistication comme pour la clarté, cette dialectique ardue le mène dans des développements où l’harmonie est caressée, contournée ou transgressée, tout en gardant une cohérence et une rare unité de discours.

Rodolphe Raffalli - Je me voyais déjà [offline]
Rodolphe Raffalli - Twelth year [offline]
[from Gypsy Swing Guitar]

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April 06, 2005

Bring it On #3

On a plutôt l'habitude de croiser Freddie Foxxx comme invité chez Gangstarr, tellement présent tout au long de la discographie du duo new-yorkais qu'on l'imagine squattant à demeure le canapé de Guru. Reste que son intro pour la version originelle du fameux "Militia" sur "Moments Of Truth" prouve que cet homme est capable de tailler sa route à grands coups de gueule.



De son oeuvre solo je dois avouer ne pas connaître grand chose, alors que l'homme est une figure majeure du rap new-yorkais depuis la fin des années 80. Il confirme cependant la puissance de ses prestations sur un titre où il avance plus comme un char d'assault dévastateur que comme un habile franc-tireur isolé. Ce titre - le single "I Come To War" publié par Rawkus - a été remixé par le MC et producteur britannique Lewis Parker, protégé du label Melankolic. Un nouvel habillage de cordes et un insistant roulement de caisse claire rendent le morceau encore plus martial, tout en lui conférant un certain anachronisme. Il en fait ainsi une véritable marche militaire, mais qui célèbrerait une guerre presque oubliée ...

Freddie Foxxx - I Come To War (Lewis Parker Remix) [offline]
[from Put A Beat 2 A Rhyme]

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J'ai découvert les Jedi Mind Tricks en cherchant et compilant les collaborations de Bahamadia, MC originaire de Philadelphie, remarquable et trop peu remarquée rappeuse aux murmures rauques et suaves qui font trembler l'échine comme sur les excellents "Chaos" en compagnie de Talib Kweli ou aux côtés de Rah Digga sur "Be OK". Leur réputation les avait pourtant précédés : des hurleurs pas toujours très fins, rappant sur les dures productions de leur meneur Stoupe.



C'était donc un peu inquiet que j'abordais la rencontre entre ces deux extrêmes. Force est pourtant de constater que le remix de "Exertions", sur "Violent By Design"- deuxième album du crew issu lui aussi de Philadelphie - est une réussite. On y imagine la troupe se préparant au combat, chacun suivant son petit rituel, tâchant de se concentrer alors que retentissent les premières clameurs, qu'on devine déjà les premiers bruits de combats. Sur le point de se jeter dans la bataille, les corps tendus, les visages durcis, chacun met a profit ce dernier instant de calme avant la fureur et puis se met en branle, déterminé.

Jedi Mind Tricks - Exertions (remix feat. Virtuoso Esoteric & Bahamadia) [offline]
[from Violent By Design]

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April 04, 2005

[Mix] Easy Like Sunday Morning

Lorsque nous préparions notre entrée dans le monde des blogs, il fut longtemps question d'un mix mensuel ou hebdomadaire qui serait offert pendant quelques jours à nos lecteurs. L'idée était séduisante, mais personne ne s'étant occupé d'elle, elle est morte d'inanition dans un placard poussiéreux et infesté de rats. Comme nous vivons dans un monde décidemment merveilleux, et comme toutes les histoires se finissent bien, c'était - évidemment - pour mieux renaître.

Chers lecteurs, lectrices, ami(e)s et étrangers-gères, toi aussi petit stagiaire de maison de disque chargé de vérifier que je ne fais pas n'importe quoi, vous êtes régulièrement plus de 300 à nous rendre visite chaque jour et pour la première fois vous l'avez été chaque jour de la semaine. C'est peut-être un détail pour certains, mais pour nous ça veut dire beaucoup.

Vous êtes - et nous le déplorons vivement - toujours aussi réservés et peu enclins à nous faire part de vos commentaires. Mais qui ne le serait pas face à un tel concentré de verve, d'intelligence, de brio et de testostérones ?!? Hum ... bref, passons. Essayez donc de vous lâcher : ca nous ferait plaisir, et nous pourrions même nous montrer gentils. Et reconnaissants.

Reste que votre record d'assiduité a quand même eu comme conséquence directe une sorte de crise de mégalomanie incluant cabrioles aériennes, maladroites tentatives d'embrassades sur de parfait(e)s inconnu(e)s, consommation de sushis et de différents breuvages fermentés en quantité industrielle et bris de différents obstacles inopportuns (portes, patrons, etc.).

En guise de célébration pour cet évènement majeur, mais sans aucune promesse quant à la possible récurrence de cette nouvelle rubrique, voici donc le premier mix de la planète approuvé par l'ORTF:






Conditions d'utilisation :

- ne pas plier
- ne pas bouillir
- ne pas saler
- ne pas hésiter à avaler

Garanti sans OGM mais pas sans manipulations plus ou moins hasardeuses ...



Principaux ingrédients :

Mùm - On The Old Mountain Radio
Four Tet - Iron Man
Pedro - Fear & Resilience (Dangermouse Remix)
Madvillain - Meat Grinder
Rare Moods - Number
Max de Wardener - Hundreds & Thousands
Cities Of Foam - Out Of Reach
Manitoba - Anna & Nina
Chet Baker - I Don't Stand The Ghost Of A Chance With You
Nina Simone - (I Wish I Knew How) It Would Feel To Be Free

Remerciements :

Certains des morceaux utilisés ici proviennent d'audioblogs que je visite régulièrement, en particulier Aurgasm, Scissorkick et le trop intermittent The Naugahyde Life.

[il est évident que ce mix sera retiré si l'un des ayant-droits des morceaux utilisés le souhaitent]

April 01, 2005

Bring It On #2

Vous l'aurez compris, l'ambiance à la maison est en ce moment plus porté sur le rap velu que sur les complaintes acoustiques (même si je vous conseille vivement le morceau des Transmissionary Six, en écoute actuellement sur Podaufeu Radio). On continue donc avec des hommes, des vrais, des durs, des tatoués, des qui ont des cordes vocales à vif et du plomb en fusion à la place du sang, des qui se plaignent et qui réinventent leurs mondes avec des mots.

L'histoire du hip-hop regorge de groupes d'autant plus mythifiés que leur existence fut brève ou pauvre en sorties discographiques. Votre serviteur pense en particulier à deux fleurons de sa discographie : The Goats et l'inénarrable Organized Konfusion. Et c'est de ce dernier que l'on parlera donc aujourd'hui.



Underground à une époque ou ce terme n'avait encore jamais été accolé au mot hip-hop, rencontrant un colossal succès qui restera d'estime, le duo formé par Prince Po et Pharaoh Monch n'en fait pas moins l'objet d'un véritable culte. Et pour cause, ces deux féroces prédateurs issus du Queens s'employant à chaque album, si ce n'est à chaque morceau, à démontrer qu'on peut toujours mettre la barre un peu plus haut en termes de emceeing.

Après un album éponyme sorti en 1991 et emprunt d'une sorte de funk étrangement assombri, ils sortent l'excellent "Stress : The Extinction Agenda" en 1994, dont est extrait "Bring It On". Si Prince Po, loin d'être un manchot, aurait sans doute été la star de n'importe quel groupe de rap, on comprend mieux à l'écoute de celui-ci pourquoi et comment le Pharaon a pu l'éclipser. Le flow, désormais reconnaissable entre mille, est à la fois rageur et joueur, puissant et léger. A peine le couplet entamé que l'on prend une série de crochets en pleine tronche : pas de doute possible, c'est bien au Mohammed Ali du hip-hop qu'on a à faire. Et ça fait sacrément mal.

Après la séparation du duo, Pharaoh poursuivra une carrière solo avec beaucoup plus d'ardeur que son compère, apparaissant sur les compilations Soundbombing du label Rawkus et publiant finalement l'album "Internal Affairs", porté par le puissant "Simon Says", et avec lequel il s'approchera d'un véritable succès commercial. Pour coller avec le thème du jour, je vous propose d'en découvrir un "Behind Closed Doors" qui prend des allures de déclaration de guerre en bonne et due forme.

A noter que Prince Po a fini par sortir en 2004 un album solo, intitulé "The Slickness", dont je ne sais rien de plus mais qui est chroniqué par l'homme au pseudo magique ici.

Organized Konfusion -
Bring It On [offline]
[from Stress : The Extinction Agenda]

Pharaoh Monch - Behind Closed Doors [offline]
[from Internal Affairs]

Bonus track :

Organized Konfusion -
Fudge Pudge [offline]
[from Organized Konfusion]

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